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Patrick van Landeghem

L’injuste équité fiscale des frontaliers

La réforme fiscale 2017 a pour but d’établir une égalité de traitement fiscal entre les contribuables résidents et non-résidents. Des amendements récents, tels le nouveau seuil des 13.000€ voire la règle des 50 jours, visent le même but.

A situation et revenu identiques, l’équité fiscale est obtenue par un impôt mondial identique.

Cette aspiration trouve des limites étant donné que les dispositions mises en place par le législateur luxembourgeois n’ont qu’un effet sur les revenus perçus au Luxembourg.

Peut-on pour autant considérer la recherché d’équité fiscale au Luxembourg comme aboutie?

Ces quelques illustrations chiffrées compléteront mes précédents articles consacrés au même sujet et expliqueront les raisons de ma perplexité face au laxisme réservé aux lourdes conséquences qu’auront à subir certains frontaliers. .


Avant le 1 janvier 2018, les contribuables non-résidents mariés sont imposables en classe 1A voire en classe 2, à condition de percevoir plus de 50% des revenus professionnels du ménage au Luxembourg.


Cette méthode d’attribution des classes d’impôt produisait effectivement des situations privilégiées ou injustes, essentiellement dues au bénéfice du splitting de la classe 2 sans tenir compte d’éventuels revenus non-luxembourgeois.


Le tableau suivant illustre quelques cas flagrants avant la réforme fiscale:


Les augmentations des revenus de 2000€ entrainant des baisses d’impôt de presque 5.000€ voire même de 9.000€ rendent du moins dubitatif.


A partir du 1er janvier 2018, les contribuables non-résidents mariés sont imposés individuellement sur leurs seuls revenus luxembourgeois en classe 1. Une imposition en classe 2 peut néanmoins avoir lieu dans le cadre et dans les conditions des dispositions de l’assimilation au résident (article 157ter LIR ou convention belgo-luxembourgeoise).


Situations des non-résidents mariés avant et après 2018

La mise en place des nouvelles dispositions d’attribution des classes d’impôt était indiscutablement nécessaire afin d’établir les bonnes bases sur lesquelles peuvent reposer une meilleure équité fiscale entre contribuables résidents et non-résidents mariés.


Les bienfaits de la demande d’assimilation au résident


La demande d’assimilation permet au non-résident d’être imposé au Luxembourg au taux d’impôt qui lui serait applicable s’il était résident du Luxembourg et ainsi de faire valoir l’ensemble des dépenses fiscales, tout comme ses revenus négatifs, ses charges extraordinaires telles que par exemple les frais de garde d’enfants ou de domesticité ainsi que le crédit d’impôt monoparental.

Les non-résidents mariés peuvent par cette même demande demander le maintien du taux d’imposition de la classe 2.

Cette demande est accessible aux contribuables non-résidents qui réalisent au moins 90% de l’ensemble de leurs revenus au Luxembourg ou qui perçoivent moins de 13.000€ de revenus non-luxembourgeois.

Concernant les non-résidents qui travaillent aussi bien au Luxembourg que dans un autre pays et qui ont un «salary-split», une nouvelle règle des 50 jours leurs donne également accès à l’assimilation au résident si le nombre de jours prestés hors Luxembourg ne dépasse pas 50 unités.


Aggravation de la problématique du taux des 90 %


Avant 2018

S’il est vrai que l’exigence du seuil de 90%, qui est nécessaire à la demande d’assimilation au résident, avait essentiellement pour but d’écarter de nombreuses demandes ne présentant aucun intérêt, il faut aussi reconnaître que ce même taux rendait impossibles des demandes très favorables dues à des situations exceptionnelles telles que la souscription d’une assurance solde restant due à prime unique, le paiement de nombreuses charges extraordinaires, le paiement des frais liés à l’acte de crédit lié à la future habitation principale etc. .


A partir de 2018

Le nombre de demandes potentiellement favorables explose étant donné que les contribuables non-résidents mariés doivent également répondre aux exigences du taux de 90% s’ils désirent être imposés en classe 2.


Situation du contribuable célibataire


Revenu imposable luxembourgeois 86.000€, revenu imposable non-luxembourgeois 14.000€:

Frais suite à l’acquisition d’une future habitation principale: 3.000€ d’intérêts, 2.200€ frais d’acte d’ouverture de crédit, 5.000€ frais de rafraichissement peinture, 6.000€ prime unique d’assurance solde restant dû, 5.000€ frais de personnel de maison.


Situation du contribuable célibataire avec un enfant


Revenu imposable luxembourgeois 66.000€, revenu imposable non-luxembourgeois 14.000€:

Frais habitation principale: 4.000€ d’intérêts, 6.000€ frais de garde d’enfant, Assurances santé, responsabilités civiles auto et privée 1.344€, prévoyance vieillesse 3.200€


Pour ces deux cas de figure, il est important de noter que si les 14.000€ provenaient d’une activité salariale de part un «salary split» et que la règle des 50 jours était donnée et respectée, l’assimilation au résident serait possible.



Situation de 2 non-résidents mariés


Revenu imposable luxembourgeois 100.000€, revenu imposable non-luxembourgeois 15.000€:


Revenu imposable luxembourgeois 70.000€, revenu non-luxembourgeois 30.000€:


Le taux des 90% doit disparaître


Les deux amendements du nouveau seuil de 13.000€ voire de la nouvelle règle des 50 jours profitent certes à certains mais accentuent surtout la problématique de tous les non-résidents mariés qui ne peuvent pas en bénéficier et qui verront leurs charges fiscales injustement augmenter.


L’équité fiscale entre résident et non-résident ne saura exister tant que le taux de 90% existera.


Deux propositions permettant une meilleure équité


En remplacement aux deux derniers amendements


Première proposition

L’équité fiscale parfaite au Luxembourg serait obtenue en baissant le taux de 90% à 50%.

Cette drastique baisse est rendue nécessaire à cause des nouvelles modalités d’attribution des classes d’impôt aux non-résidents maries.

En effet, une assimilation au résident reste dans le cas des non-résidents mariés favorable tant que les revenus luxembourgeois excèdent 50% de l’ensemble des revenus du ménage.

La baisse du taux à 50% rendrait malheureusement possibles de milliers de demandes d’assimilation au résident ne présentant aucun d’intérêt.


Seconde et meilleure proposition

Une solution plus pragmatique que je préconise et qui permettrait d’établir une équité fiscale presque parfaite, serait obtenue par deux mesures conjointes.

D’une part, la baisse du taux de 90% à 75%, permettant de prendre en compte les situations exceptionnelles et non-récurrentes sans augmenter considérablement le nombre de demandes inutiles.

D’autre part, le maintien de la classe 2 pour les non-résidents mariés pas le biais d’une assimilation au résident soumise à aucun taux voir au taux de 50%.


L’équité parfaite passe par la mondialisation

L’impôt devant idéalement être le même pour tous les contribuables qui perçoivent le même revenu et qui se trouvent dans une situation identique, l’équité fiscale parfaite résulterait par un assujettissement à un taux d’imposition mondial moyen sur l’ensemble des revenus perçus par le ménage.

Tandis que de nombreux non-résidents mariés restent pénalisés par le système actuel, il est vrai que de nombreux non-résidents profitent injustement d’une charge fiscale allégée de part leurs situations spécifiques, étant donné que l’assimilation au résident n’est pas obligatoire et seulement retenue si elle est favorable.


Patrick van Landeghem

Expert fiscal Optifisc



dossier et chiffres fiables mais non-contractuels

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